
Afghanistan : Chronique d’une Humanité éteinte– autopsie des violences systémiques contre les Droits de l’Homme
Afghanistan : Chronique d’une Humanité éteinte– autopsie des violences systémiques contre les Droits de l’Homme
Dr Naim Asas
Directeur, Groupement d’Études et de Réflexions Internationales en Sciences Sociales (GERISS)
Email : naimasasgeriss@gmail.com
Abstract
L’Afghanistan est aujourd’hui le symbole d’une crise extrême des droits humains, marquée par des violations systématiques, organisées et profondément enracinées dans les structures politiques et sociales du pays. Cet article propose une analyse approfondie de l’effondrement des droits fondamentaux, mettant en lumière l’impact des conflits armés, de la gouvernance autoritaire, des idéologies extrémistes et des discriminations institutionnelles. En s’appuyant sur les travaux de chercheurs majeurs tels que Jack Donnelly, William Maley, Lauryn Oates et Lina Abirafeh, ainsi que sur les rapports récents de Human Rights Watch, Amnesty International et UNAMA, cette étude examine les atteintes aux droits civils, politiques, économiques et sociaux en Afghanistan. Elle s’intéresse également aux mécanismes de justice transitionnelle et à la responsabilité de la communauté internationale face à ces violations. Ce travail vise à démontrer que l’Afghanistan est aujourd’hui un laboratoire du déni de l’humanité, où les instruments juridiques internationaux échouent à protéger ceux qu’ils prétendent défendre.
Mots-clés : Afghanistan, droits de l’homme, violations systémiques, femmes, minorités, justice transitionnelle, crimes de guerre.
Introduction
L’Afghanistan traverse, depuis plus de quatre décennies, une spirale de conflits violents et de régimes oppressifs, qui ont conduit à l’effacement quasi total des droits humains. Le retour au pouvoir des Talibans en août 2021 a marqué une intensification inédite des atteintes aux droits fondamentaux, aboutissant à ce que William Maley qualifie de « désintégration politique et morale d’une société civile déjà fragilisée » (Maley, 2020). Les Talibans, par une application rigide et sélective de la charia, ont institutionnalisé la répression, réduisant à néant les maigres avancées réalisées au cours des deux décennies précédentes.
Jack Donnelly rappelle que « la revendication des droits de l’homme repose sur leur universalité, leur inaliénabilité et leur indivisibilité » (Donnelly, 2013). En Afghanistan, ces principes sont non seulement contestés, mais leur négation constitue le cœur même de la gouvernance actuelle. Les libertés civiles, les droits politiques, l’accès à l’éducation et à la santé sont systématiquement violés dans ce qui s’apparente à un régime d’apartheid social, ethnique et de genre. Lauryn Oates parle d’un « effacement méthodique des femmes, des minorités et de toute forme d’opposition politique, orchestré comme une politique d’État » (Oates, 2018).
Les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme apparaissent incapables d’enrayer cette dynamique. La dissolution de la Commission indépendante des droits de l’homme d’Afghanistan (AIHRC) par les Talibans en mai 2022 est l’illustration de cet effondrement des structures nationales de défense des droits (Sooka, 2005). La responsabilité de la communauté internationale, paralysée par des intérêts géopolitiques divergents, est également questionnée. Le cadre théorique du droit international public, pourtant applicable, se heurte à l’absence d’un véritable État respectueux de ses engagements, comme l’analyse Pierre-Marie Dupuy lorsqu’il souligne l’« inopérabilité du droit international sans volonté politique nationale » (Dupuy, 2000).
Cet article propose une lecture systémique des violations des droits de l’homme en Afghanistan, en croisant une méthodologie empirique rigoureuse avec une réflexion juridique et politique. Il met en évidence les pratiques de discrimination institutionnelle, les exécutions extrajudiciaires, les crimes de guerre, la torture, ainsi que l’effondrement des droits sociaux et économiques, et questionne la possibilité d’une justice transitionnelle dans ce contexte.
Cadre Théorique et Méthodologique
L’analyse des violations des droits humains en Afghanistan s’inscrit dans un cadre théorique basé sur l’indivisibilité et l’interdépendance des droits, telles que définies par Philip Alston et Ryan Goodman dans International Human Rights (2013). Les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les droits des peuples forment un tout inséparable. Leur destruction systématique en Afghanistan illustre ce que Johan Galtung nomme la « violence structurelle », une forme d’oppression institutionnelle où les inégalités sont produites et reproduites par les systèmes politiques eux-mêmes.
Le cadre juridique applicable repose sur :
• La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), fondement des droits fondamentaux reconnus universellement.
• Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), ratifié par l’Afghanistan en 1983.
• Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966).
• La Convention relative aux droits de l’enfant (1989), ratifiée en 1994.
• La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, 1980).
• Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ratifié en 2003.
Ces instruments forment un cadre normatif contraignant, même si, comme le rappelle Louis Henkin, « sans mécanismes coercitifs effectifs, les traités restent dépendants du bon vouloir des États » (Henkin, 1999).
La méthodologie utilisée est qualitative et repose sur l’analyse d’une large base documentaire, incluant :
• Les rapports des organisations internationales : Human Rights Watch, Amnesty International, UNAMA, International Crisis Group.
• Les rapports nationaux : Afghanistan Independent Human Rights Commission (AIHRC) avant sa dissolution.
• Les études académiques : Maley (2020), Oates (2018), Abirafeh (2009), Nojumi (2002).
• Les témoignages directs : récits de victimes, interviews de militants, rapports de journalistes.
Comme le souligne Nicole Ball, « la documentation empirique sur les violations est essentielle pour alimenter les processus de justice transitionnelle et de réforme du secteur de la sécurité » (Ball, 2003). Cet article s’appuie donc sur une analyse détaillée de cinquante cas documentés de violations des droits humains en Afghanistan, couvrant différentes périodes historiques et régimes politiques.
Typologie des Violations Documentées
La typologie adoptée se fonde sur les grandes catégories de droits énoncées par le droit international :
1. Violations des droits civils et politiques : assassinats politiques, répression des médias, suppression des libertés publiques.
2. Violations des droits économiques, sociaux et culturels : exclusion des femmes de l’emploi et de l’éducation, famine organisée, restriction de l’accès aux soins.
3. Crimes de guerre et crimes contre l’humanité : massacres ethniques, exécutions sommaires, torture, usage d’enfants soldats.
Les cinquante cas recensés sont issus de rapports vérifiés, parmi lesquels le massacre de Dasht-e-Leili (2001), où près de 2 000 prisonniers talibans auraient été tués par asphyxie dans des conteneurs, comme l’ont révélé Human Rights Watch et des journalistes indépendants. Ce cas illustre ce que Fiona Terry appelle le « dilemme moral et juridique des interventions humanitaires dans des contextes où les droits fondamentaux sont systématiquement violés » (Terry, 2002).
Lauryn Oates montre quant à elle que la privation d’éducation pour les filles afghanes constitue « un crime silencieux aux conséquences générationnelles » (Oates, 2018). Depuis 2021, l’interdiction faite aux filles d’accéder à l’enseignement secondaire et supérieur traduit une politique délibérée de ségrégation de genre.
Dans Gender and International Aid in Afghanistan, Lina Abirafeh décrit ces pratiques comme « un apartheid de genre, soigneusement orchestré, renforcé par des discours religieux légitimant l’oppression » (Abirafeh, 2009). Ce régime d’exclusion dépasse le cadre de la violence individuelle pour s’ancrer dans des structures sociales et juridiques pérennes.
Violations des Droits Civils et Politiques en Afghanistan
Femmes, Minorités Ethniques et Libertés Fondamentales : L’Institutionnalisation de la Terreur
Depuis la prise de Kaboul par les Talibans en août 2021, l’Afghanistan est plongé dans un système de gouvernance fondé sur la répression systématique des droits civils et politiques. Cette situation, loin d’être une simple continuité historique des conflits précédents, constitue ce que William Maley appelle « une rupture totale avec l’idéal de citoyenneté fondée sur la dignité humaine » (Maley, 2020). Le contrôle absolu de la population s’exerce par l’élimination de toute forme d’opposition, la répression brutale des libertés fondamentales et la mise en œuvre de politiques discriminatoires ciblées contre les femmes et les minorités ethniques.
1. L’Apartheid de Genre : L’Exclusion Totale des Femmes de la Sphère Publique
Depuis leur retour au pouvoir, les Talibans ont mis en œuvre une politique que Lauryn Oates décrit comme une « stratégie d’effacement des femmes de toute visibilité sociale » (Oates, 2018). Les mesures imposées sont multiples et systématiques :
• Fermeture des écoles pour les filles au-delà du primaire depuis 2021, violant l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (HRW, 2022).
• Interdiction pour les femmes de travailler dans les ONG et les administrations publiques, ce qui viole l’article 23 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Amnesty International, 2023).
• Restriction de leur liberté de mouvement sans mahram, ce qui représente une violation flagrante de l’article 13 du PIDCP (UNAMA, 2022).
Lina Abirafeh évoque un « apartheid de genre » où les femmes sont transformées en « citoyennes invisibles, soumises à une domination patriarcale sacralisée » (Abirafeh, 2009). Cette ségrégation ne se limite pas à la sphère publique. Les Talibans imposent le port obligatoire du voile intégral et interdisent aux femmes d’accéder aux espaces publics tels que les parcs et les gymnases (HRW, 2023).
Les conséquences sont dramatiques :
• Plus de 60 % des filles n’ont plus accès à l’éducation (UNESCO, 2023).
• 80 % des femmes ayant perdu leur emploi déclarent vivre en situation de grande précarité économique (Oates, 2018).
En juillet 2023, la fermeture des salons de beauté dirigés par des femmes a constitué le dernier coup porté à leur autonomie financière. « C’est la destruction délibérée de toute forme de subsistance féminine », témoigne une ancienne entrepreneure à Kaboul (HRW, 2023).
2. Les Minorités Ethniques et Religieuses : Cibles de Persécutions Systématiques
Les Hazaras, les Sikhs et les Hindous sont les principales victimes de la politique discriminatoire du régime taliban et des groupes extrémistes comme Daech-K. Selon Neamatollah Nojumi, le sort des Hazaras s’inscrit dans « une longue histoire de marginalisation systématique fondée sur l’ethnie et la religion » (Nojumi, 2002).
Les violations recensées sont nombreuses :
• Le massacre de Mazar-e-Sharif en août 1998, où environ 2 000 Hazaras ont été exécutés sommairement par les Talibans (Human Rights Watch, 1999).
• Les attaques répétées contre les mosquées chiites à Kaboul et Herat, ayant causé des centaines de morts entre 2016 et 2022 (UNAMA, 2022).
• L’expulsion forcée de plus de 400 familles hazaras de la province de Daikundi en 2021, dénoncée par Amnesty International comme une politique de « nettoyage ethnique » (Amnesty International, 2022).
Les Sikhs et les Hindous, jadis présents en nombre à Kaboul, sont aujourd’hui réduits à quelques centaines d’individus. L’attaque contre le temple sikh de Kaboul en mars 2020 par Daech-K, qui fit 25 morts, est emblématique du sort de ces minorités, désormais « condamnées à l’exil ou à l’extermination » (International Crisis Group, 2020).
Les disparitions forcées d’hommes hazaras après la prise de Ghazni par les Talibans en 1998 illustrent la persistance de ces politiques de répression ciblée. Plusieurs rapports, dont celui de Human Rights Watch, confirment que « les corps de ces disparus ne sont jamais retrouvés, et les familles n’ont aucun recours légal » (HRW, 1999).
3. Suppression des Libertés Fondamentales : Médias, Expression et Réunions Pacifiques
La liberté d’expression est désormais inexistante en Afghanistan. Depuis août 2021, plus de 200 médias indépendants ont été fermés, et de nombreux journalistes ont été arrêtés, torturés ou assassinés. Lauryn Oates parle d’une « mise au pas méthodique de la presse indépendante, où l’information devient un monopole d’État » (Oates, 2018).
Quelques exemples illustratifs :
• L’assassinat de Malalai Maiwand, journaliste à Jalalabad, en décembre 2020, par des groupes armés liés aux Talibans (Reporters Sans Frontières, 2021).
• L’arrestation et la torture de Zahra Joya, fondatrice du média Rukhshana Media, spécialisée dans les droits des femmes, en 2022 (UNAMA, 2023).
• L’interdiction de toute couverture médiatique des manifestations féminines, sous peine de détention ou de torture (HRW, 2022).
En parallèle, la répression des manifestations pacifiques est systématique. En 2022, plusieurs manifestations de femmes réclamant le droit à l’éducation et au travail ont été brutalement dispersées à Kaboul, avec des arrestations arbitraires et des actes de torture documentés par Amnesty International.
Comme l’indique William Maley, ces politiques de répression sont typiques d’un régime totalitaire où « la peur devient l’instrument principal de gouvernance » (Maley, 2020).
4. Assassinats Ciblés et Exécutions Extrajudiciaires
Les assassinats ciblés de défenseurs des droits humains, de militants politiques et de journalistes se sont multipliés. Le cas de Freshta Kohistani, activiste féministe assassinée en décembre 2020, est emblématique d’une politique d’élimination des voix dissidentes. Amnesty International a qualifié ces assassinats de « stratégie d’intimidation par la terreur » (Amnesty International, 2021).
Les exécutions publiques sans procès équitable sont également documentées. En 2023, plusieurs femmes accusées d’adultère ont été exécutées publiquement dans la province de Ghor, sans qu’aucune enquête ne soit ouverte (HRW, 2023). Fiona Terry rappelle que « la justice sommaire est un outil de contrôle social et de légitimation des autorités dans des régimes autoritaires » (Terry, 2002).
Les Talibans utilisent également les flagellations publiques et les amputations comme formes de châtiments corporels. Selon UNAMA, ces pratiques se sont intensifiées depuis 2022, en violation flagrante de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à laquelle l’Afghanistan est partie.
5. Dissolution des Partis Politiques et Interdiction des ONG Indépendantes
La suppression des partis politiques et des syndicats constitue une violation directe du droit d’association, protégé par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Depuis 2021, toute opposition politique est criminalisée, et de nombreuses ONG, notamment celles dirigées par des femmes, ont été interdites de fonctionner. Amnesty International évoque une « fermeture complète de l’espace civique » (Amnesty International, 2022).
Selon Nicole Ball, « dans les contextes post-conflit, la vitalité des ONG est essentielle à la reconstruction démocratique ; leur suppression est un signe d’autoritarisme profond » (Ball, 2003).
Violations des Droits Économiques, Sociaux et Culturels en Afghanistan
Famine Organisée, Exclusion Économique et Anéantissement du Droit à l’Éducation et à la Santé
Les droits économiques, sociaux et culturels, reconnus par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC, 1966), constituent des éléments essentiels de la dignité humaine. L’Afghanistan, signataire du PIDESC en 1983, est tenu de garantir ces droits à l’ensemble de sa population. Pourtant, depuis août 2021, la situation économique et sociale du pays s’est détériorée à un niveau sans précédent. Comme l’affirme Amartya Sen dans Development as Freedom, « la privation des libertés économiques conduit inévitablement à une perte des capacités humaines fondamentales » (Sen, 1999). Le cas afghan illustre parfaitement cette assertion, où la destruction méthodique des droits économiques et sociaux s’ajoute aux violations des libertés civiles et politiques pour créer un système global d’oppression.
1. Le Droit à l’Éducation : Une Génération Sacrifiée
L’accès à l’éducation est l’un des droits les plus violemment bafoués en Afghanistan. Depuis le retour au pouvoir des Talibans, les écoles secondaires et les universités sont fermées aux filles. Cette interdiction viole directement l’article 13 du PIDESC, qui garantit le droit à l’éducation pour tous, sans discrimination.
Selon Peter Marsden et Saif R. Samady, « l’éducation en Afghanistan a toujours été instrumentalisée, mais jamais à un tel degré d’exclusion systémique » (Marsden & Samady, 2001). Leur étude sur l’éducation sous les Talibans (1996-2001) démontre une politique similaire de négation des droits éducatifs, aujourd’hui renouvelée et renforcée.
En mars 2022, le régime taliban a annoncé la fermeture indéfinie des écoles pour les filles à partir de la sixième année. Cette décision a affecté près de 1,2 million de jeunes filles, selon l’UNESCO (2023). Le rapport de Human Rights Watch You Have No Right to Complain (2020) souligne que cette interdiction est accompagnée de violences psychologiques, d’arrestations de militantes pour l’éducation et de répression des enseignants contestataires.
Lauryn Oates décrit cette politique comme « une guerre contre l’avenir du pays, où l’ignorance devient un outil de domination » (Oates, 2018). Le blocage de l’éducation pour les femmes et les filles empêche également l’accès à l’emploi qualifié, renforçant ainsi leur dépendance économique.
2. Le Droit au Travail : L’Exclusion Économique des Femmes et la Pauvreté Généralisée
Le droit au travail, inscrit dans l’article 6 du PIDESC, est vidé de toute substance en Afghanistan. Les Talibans ont interdit aux femmes de travailler dans la plupart des secteurs publics et privés, y compris les ONG, les écoles et les services de santé (UNAMA, 2022).
Lina Abirafeh, dans Gender and International Aid in Afghanistan, explique que « la suppression de l’accès des femmes au marché du travail a pour but de réinstaller le contrôle patriarcal sur la cellule familiale et d’effacer les femmes de la sphère économique » (Abirafeh, 2009). Cette exclusion a des conséquences dramatiques : en 2023, plus de 80 % des ménages dirigés par des femmes vivent sous le seuil de pauvreté extrême (Amnesty International, 2023).
Le chômage touche aussi les hommes, du fait de l’effondrement de l’économie nationale. Le régime de sanctions internationales, associé à la mauvaise gestion économique du régime taliban, a provoqué une récession majeure. En l’absence d’investissements étrangers et de soutien financier international durable, le PIB afghan a chuté de plus de 30 % en deux ans (Banque mondiale, 2023).
Nicole Ball rappelle que « l’effondrement des structures économiques d’un État post-conflit est le symptôme d’une gouvernance basée sur la prédation » (Ball, 2003). La corruption endémique et le détournement de l’aide humanitaire, observés déjà sous les présidences Karzai et Ghani (2004-2021), sont aujourd’hui exacerbés par le contrôle des Talibans sur les ressources financières et logistiques (HRW, 2022).
3. Le Droit à un Niveau de Vie Suffisant : Famine Organisée et Blocus Humanitaire
Le droit à un niveau de vie suffisant, incluant l’alimentation et l’accès à l’eau potable, est garanti par l’article 11 du PIDESC. Pourtant, l’Afghanistan traverse une crise alimentaire majeure, qualifiée par l’ONU de « pire crise humanitaire au monde en 2023 » (ONU, 2023). Près de 22,8 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë.
Human Rights Watch accuse les Talibans de bloquer l’aide humanitaire dans certaines régions, notamment les zones hazaras, en 2022. Le rapport Afghanistan: Death in Slow Motion décrit comment l’accès humanitaire est utilisé comme un outil de chantage politique : « Les Talibans récompensent les provinces loyales par l’aide alimentaire et punissent les régions dissidentes par la famine » (HRW, 2022).
Deniz Kandiyoti note que « la distribution sélective de l’aide humanitaire reflète les dynamiques d’exclusion ethnique et politique caractéristiques de la gouvernance talibane » (Kandiyoti, 2007). Cette famine est donc en partie organisée, selon Amnesty International, qui a documenté plusieurs cas de villages privés de nourriture pour avoir hébergé des opposants politiques ou des journalistes (AI, 2022).
4. Le Droit à la Santé : L’Anéantissement du Système de Soins
L’accès à la santé est garanti par l’article 12 du PIDESC. Pourtant, le système de santé afghan est en état d’effondrement. Depuis 2021, les financements internationaux ont été suspendus, notamment ceux de la Banque mondiale, ce qui a entraîné la fermeture de 75 % des centres de santé primaire (OMS, 2023).
Les femmes sont les premières victimes de cette crise :
• La mortalité maternelle a explosé, atteignant 638 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2023, contre 396 en 2018 (UNFPA, 2023).
• Les interdictions d’accès aux soins pour les femmes sans mahram compliquent encore davantage leur prise en charge médicale, comme l’a documenté UNAMA (2022).
Fiona Terry souligne que « la destruction volontaire des infrastructures médicales constitue une forme de violence indirecte mais tout aussi létale » (Terry, 2002).
5. Les Droits des Déplacés Internes et des Réfugiés : Un Exode Contraint et des Conditions Inhumaines
Le droit de circuler librement et de chercher asile dans un autre pays est garanti par l’article 12 du PIDCP et par la Convention relative au statut des réfugiés (1951). Pourtant, depuis 2021, des milliers d’Afghans sont contraints de fuir leur pays.
Les Talibans ont orchestré des déplacements forcés de populations, notamment dans le Helmand et le Kandahar, pour sécuriser des zones stratégiques (UNAMA, 2022). Amnesty International décrit ces déplacements comme « des politiques de nettoyage ethnique visant à homogénéiser les zones rurales contrôlées par les Talibans » (AI, 2022).
En parallèle, les pays voisins, comme l’Iran et le Pakistan, ont procédé à des expulsions massives de réfugiés afghans. En 2023, plus de 600 000 Afghans ont été refoulés d’Iran sans garanties procédurales, violant ainsi le principe de non-refoulement inscrit dans le droit international humanitaire (HCR, 2023).
Dans les camps de déplacés internes, la ségrégation est la norme. Les populations hazaras sont confinées à des secteurs sans accès aux soins ni à l’éducation, comme le rapportent les chercheurs de Human Rights Watch (HRW, 2023).
Crimes de Guerre, Justice Transitionnelle et Responsabilité Internationale
Une Impunité Institutionnalisée en Afghanistan
L’Afghanistan constitue aujourd’hui un exemple frappant d’impunité généralisée en matière de violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Depuis les guerres civiles des années 1990, en passant par le premier régime taliban (1996-2001), l’occupation internationale (2001-2021), jusqu’à la reprise du pouvoir par les Talibans en 2021, le pays est le théâtre de crimes de guerre massifs, d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et de tortures. Comme le souligne Yasmin Sooka, « la justice transitionnelle reste la grande absente de l’Afghanistan, où les bourreaux de la veille sont les dirigeants du jour » (Sooka, 2005).
1. Les Crimes de Guerre Communs à Tous les Camps Armés
Le droit international humanitaire, notamment les Conventions de Genève (1949) et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998), interdit les crimes de guerre, tels que les massacres de civils, les exécutions sommaires, la torture et l’utilisation d’enfants soldats. Pourtant, ces pratiques sont devenues structurelles en Afghanistan.
Le massacre de Dasht-e-Leili, en 2001, reste l’un des exemples les plus documentés. Près de 2 000 prisonniers talibans auraient été étouffés à mort dans des conteneurs, après leur reddition à l’Alliance du Nord, soutenue par les forces américaines. Selon Human Rights Watch, « aucune enquête indépendante n’a jamais abouti, en raison de la protection politique accordée aux responsables de l’Alliance du Nord » (HRW, 2001). Fiona Terry souligne que ce massacre est « un cas typique de compromission de la justice pour des raisons de stabilité politique perçue » (Terry, 2002).
Les exécutions massives de prisonniers de guerre ont repris en 2021. Après la chute de Kandahar et de Ghazni, plusieurs centaines de soldats afghans capturés ont été exécutés sans procès par les Talibans. UNAMA (2023) a recensé des vidéos confirmant ces crimes, qualifiés de violations graves des Conventions de Genève.
2. Les Exécutions Sommaires et la Terreur Publique
Les Talibans continuent de pratiquer des exécutions publiques sans procès équitable. En 2023, dans la province de Ghor, plusieurs femmes accusées d’adultère ont été lapidées publiquement, en violation de toutes les normes internationales, notamment de la Convention contre la torture (HRW, 2023).
L’utilisation des châtiments corporels — amputations, flagellations, lapidations — participe à ce que William Maley appelle une « stratégie de gouvernance par la terreur, visant à démontrer le pouvoir absolu de l’État islamique sur les corps » (Maley, 2020).
3. La Pratique du Bacha Bazi : Un Crime de Guerre Largement Impuni
La pratique du Bacha Bazi, exploitation sexuelle d’enfants garçons par des seigneurs de guerre et des Talibans, est reconnue comme crime de guerre selon le Statut de Rome. Pourtant, cette pratique perdure dans plusieurs provinces afghanes.
Human Rights Watch (2017) dénonce l’implication des forces de sécurité nationales afghanes dans la protection des réseaux de Bacha Bazi, illustrant une corruption systémique. Nicole Ball précise que « l’impunité autour du Bacha Bazi traduit l’incapacité de l’État à protéger les droits fondamentaux des enfants » (Ball, 2003).
4. L’Échec de la Justice Transitionnelle : Les Leçons Non Tirées
La justice transitionnelle en Afghanistan est restée un projet inachevé. Yasmin Sooka rappelle que « la justice pour les victimes afghanes a été sacrifiée sur l’autel de la realpolitik internationale » (Sooka, 2005). Après 2001, les seigneurs de guerre responsables de violations massives ont été intégrés aux structures de l’État, notamment sous les gouvernements Karzai et Ghani. Cette inclusion a empêché toute forme d’enquête indépendante ou de procès pour crimes de guerre.
Le rapport de l’International Center for Transitional Justice (ICTJ, 2005) souligne que « l’absence de mécanismes de vérité et de réconciliation a laissé les communautés divisées et les victimes sans réparation ». Aucun tribunal spécial n’a été créé, et le système judiciaire reste défaillant.
Lauryn Oates ajoute que « l’absence de justice est une double peine pour les victimes, condamnées au silence et à l’effacement » (Oates, 2018). Cette situation a favorisé une culture de l’impunité qui perdure aujourd’hui.
5. La Responsabilité Internationale : L’Inaction et les Complicités Silencieuses
La communauté internationale porte une responsabilité majeure dans l’échec de la justice en Afghanistan. William Maley évoque une « complicité passive » des puissances occidentales, qui ont soutenu militairement et financièrement des acteurs responsables de violations graves (Maley, 2020).
Le Conseil de sécurité des Nations Unies, malgré les rapports accablants de UNAMA et de HRW, n’a jamais adopté de résolution contraignante visant à sanctionner les Talibans ou les seigneurs de guerre afghans pour crimes de guerre. La Cour pénale internationale (CPI), saisie dès 2007 pour enquêter sur les crimes commis par toutes les parties, a vu son mandat entravé par des blocages politiques, comme l’explique Pierre-Marie Dupuy : « La CPI reste tributaire de la coopération étatique, qui fait défaut dans le cas afghan » (Dupuy, 2000).
Fiona Terry note que « la justice internationale est sélective et conditionnée aux intérêts géopolitiques dominants, ce qui empêche toute réelle responsabilisation des criminels de guerre en Afghanistan » (Terry, 2002).
6. Le Démantèlement des Institutions de Protection des Droits de l’Homme
En mai 2022, les Talibans ont dissous la Commission indépendante des droits de l’homme d’Afghanistan (AIHRC), rendant impossible toute surveillance interne des violations (Sooka, 2005). Cette fermeture a été accompagnée de la dissolution de la Commission électorale et de la Cour suprême indépendante.
Cette destruction du cadre institutionnel rend illusoire la mise en œuvre de la justice transitionnelle, car comme le rappelle Nicole Ball, « sans institutions solides et autonomes, la reconstruction de l’État de droit est impossible » (Ball, 2003).
7. La Nécessité d’un Tribunal International Spécial ?
Face à l’impasse judiciaire nationale et à l’échec de la CPI, plusieurs ONG et chercheurs appellent à la création d’un tribunal international ad hoc pour l’Afghanistan. Lauryn Oates affirme que « seule une cour spéciale, dotée d’un mandat clair et d’un soutien international fort, pourrait offrir aux victimes la justice qu’elles attendent depuis des décennies » (Oates, 2018).
Amnesty International a récemment proposé un mécanisme hybride associant des juges afghans en exil et des magistrats internationaux pour juger les crimes les plus graves commis depuis 1978.
Conclusion Générale
L’Afghanistan illustre tragiquement l’effondrement total d’un système de protection des droits de l’homme dans un contexte post-conflit et sous un régime autoritaire extrême. En analysant les violations massives et systématiques commises depuis plusieurs décennies, et intensifiées par le retour des Talibans au pouvoir en août 2021, cet article démontre que la situation afghane est aujourd’hui celle d’une humanité niée, où le droit est délibérément remplacé par la violence institutionnalisée.
Comme le soulignait Jack Donnelly, « les droits humains sont inaliénables et non négociables » (Donnelly, 2013). Pourtant, en Afghanistan, ces principes sont abrogés de fait. La négation de la dignité humaine touche tous les aspects de la vie :
• Les femmes sont exclues de la vie sociale, privée d’éducation et d’emploi, soumises à des règles de ségrégation violentes, ce que Lina Abirafeh qualifie d’« apartheid de genre légitimé par l’idéologie et la terreur » (Abirafeh, 2009).
• Les minorités ethniques et religieuses, en particulier les Hazaras, sont la cible de politiques de nettoyage ethnique et d’épuration religieuse, comme l’a montré Neamatollah Nojumi dans son analyse des politiques d’exclusion (Nojumi, 2002).
• Les libertés fondamentales, telles que la liberté de la presse et de réunion, sont éradiquées, entraînant une asphyxie complète de l’espace civique, ce que Lauryn Oates décrit comme une « mise sous contrôle total du discours public et de l’expression individuelle » (Oates, 2018).
L’absence de justice transitionnelle, le démantèlement des institutions nationales de protection des droits de l’homme et l’inaction des instances internationales, telles que la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité des Nations Unies, participent à la pérennisation de l’impunité. William Maley parle d’une « abdication morale et politique de la communauté internationale » (Maley, 2020), tandis que Fiona Terry rappelle que « sans reddition des comptes, la récurrence de la violence est assurée » (Terry, 2002).
Recommandations
1. Pour la Communauté Internationale
• Création d’un Tribunal international ad hoc : Un tribunal spécifique pour l’Afghanistan doit être envisagé, afin de juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis depuis 1978. Lauryn Oates affirme que « ce tribunal serait un premier pas vers la justice et la réconciliation » (Oates, 2018).
• Renforcement des sanctions ciblées : Imposer des sanctions personnelles aux dirigeants talibans et aux responsables de crimes de guerre, en se fondant sur les rapports de HRW et d’Amnesty International.
• Pression diplomatique multilatérale : Intégrer la question des droits de l’homme dans les négociations bilatérales et multilatérales avec les Talibans.
2. Pour les ONG et la Société Civile
• Soutien aux ONG en exil : Les organisations comme la Commission indépendante des droits de l’homme d’Afghanistan (AIHRC) doivent être soutenues pour documenter les violations et porter les plaintes devant les juridictions internationales.
• Programmes d’éducation clandestins : Financer et protéger les réseaux d’écoles clandestines pour les filles, comme le préconise Lauryn Oates dans ses travaux (Oates, 2018).
• Soutien psychosocial aux victimes : Développer des programmes de soins pour les victimes de torture, de violences sexuelles et des familles déplacées.
3. Pour les Institutions Régionales et le HCR
• Assurer le respect du principe de non-refoulement : Les États voisins, notamment l’Iran et le Pakistan, doivent cesser les expulsions massives de réfugiés afghans, en conformité avec la Convention relative au statut des réfugiés (1951).
• Soutenir l’intégration locale des réfugiés afghans : Programmes de scolarisation, accès à la santé, emplois, pour éviter le piège de la marginalisation des réfugiés.
4. Pour la Justice Transitionnelle
• Processus de Vérité et Réconciliation : Lancer une initiative régionale, sous l’égide de l’Union africaine et des Nations Unies, sur le modèle sud-africain ou rwandais, pour permettre une reconnaissance publique des crimes passés.
• Réparation pour les victimes : Prévoir des compensations financières et symboliques, à travers des fonds spéciaux gérés par des agences onusiennes.
Pistes de Réflexion pour l’Avenir
Le cas afghan questionne l’universalité des droits humains face aux réalités du pouvoir. Comme l’écrit Philip Alston, « le défi réside dans la capacité de la communauté internationale à traduire les normes juridiques en actions concrètes et contraignantes » (Alston & Goodman, 2013).
En Afghanistan, l’application de ces normes reste suspendue à une volonté politique mondiale encore inexistante. Cette absence d’engagement concret confirme les propos de Yasmin Sooka : « Sans justice, il n’y a pas de paix durable, seulement une trêve précaire avant le prochain cycle de violence » (Sooka, 2005).
Bibliographie:
Ouvrages Généraux sur les Droits de l’Homme
• Alston, P., & Goodman, R. (2013). International Human Rights: The Successor to International Human Rights in Context. Oxford University Press.
• Donnelly, J. (2013). Universal Human Rights in Theory and Practice. Cornell University Press.
• Henkin, L. (1999). The Age of Rights. Columbia University Press.
• Bassiouni, M. Cherif. (1999). International Protection of Human Rights. Transnational Publishers.
• Clapham, A. (2007). Human Rights: A Very Short Introduction. Oxford University Press.
Droits de l’Homme et Afghanistan : Ouvrages et Études Académiques
• Maley, W. (2020). The Afghanistan Wars. Red Globe Press.
• Oates, L. (2018). Human Rights in Afghanistan: Critical Issues for the Future. In Human Rights in the Asia-Pacific Region: Towards Institution Building (Routledge).
• Marsden, P. & Samady, S. R. (2001). Education and Human Rights in Afghanistan. UNESCO.
• Nojumi, N. (2002). The Rise of the Taliban in Afghanistan: Mass Mobilization, Civil War, and the Future of the Region. Palgrave Macmillan.
Rapports et Études Spécialisées
• Human Rights Watch (HRW).
• You Have No Right to Complain: Education, Social Restrictions, and Justice in Taliban-Held Afghanistan (2020).
• Afghanistan: Massacres of Hazaras in Afghanistan (1999).
• Death in Slow Motion: Women and Girls Under Taliban Rule (2022).
• Amnesty International.
• Afghanistan 2023: The State of the World’s Human Rights.
• Death in Slow Motion: Women and Girls Under Taliban Rule (2022).
• United Nations Assistance Mission in Afghanistan (UNAMA).
• Annual Report on Protection of Civilians in Armed Conflict (2023).
• Human Rights in Afghanistan: 6-Month Update (2022).
• International Crisis Group.
• Women and Children First: Rebuilding Afghanistan’s Human Rights (2003).
Droits des Femmes en Afghanistan
• Abirafeh, L. (2009). Gender and International Aid in Afghanistan: The Politics and Effects of Intervention. McFarland & Company.
• Kandiyoti, D. (2007). Old Dilemmas or New Challenges? The Politics of Gender and Reconstruction in Afghanistan. Development and Change, 38(2), 169-199.
• Barakat, S. & Wardell, G. (2001). Capitalizing on Capacities of Afghan Women: Women’s Role in Afghanistan’s Reconstruction and Development. Gender & Development, 9(3), 28-37.
Études Juridiques Spécifiques
• Terry, F. (2002). Condemned to Repeat? The Paradox of Humanitarian Action. Cornell University Press.
• Sen, A. (1999). Development as Freedom. Oxford University Press.
• Dupuy, P.-M. (2000). Droit international public. Dalloz.
Documents Institutionnels et Conventions
• Déclaration universelle des droits de l’homme (1948).
• Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et droits économiques, sociaux et culturels (1966).
• Convention relative aux droits de l’enfant (1989).
• Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1980).
• Statut de Rome de la Cour pénale internationale (2003).
Justice Transitionnelle et Crimes de Guerre
• Ball, N. (2003). Human Rights and the Rule of Law in Post-Conflict Environments: Lessons from Peace Operations. United States Institute of Peace.
• Sooka, Y. (2005). Addressing the Legacy of Gross Human Rights Violations in Afghanistan. International Center for Transitional Justice (ICTJ).
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