
Afghanistan : Archéologie d’un pouvoir éclaté et reconfiguration de la violence idéologique
Dr. Naim Asas
Directeur, GERISS – Groupement d’Études et de Réflexions Internationales en Sciences Sociales
22 Jan 2025
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I. Aux origines d’un ordre illisible : anatomie d’un chaos rationalisé
L’Afghanistan n’est plus une zone grise de l’ordre mondial : il est devenu le miroir éclaté des contradictions fondamentales de la modernité politique. Depuis le retour au pouvoir des Talibans en août 2021, l’illusion d’un État unifié s’efface au profit d’une réalité fragmentaire, faite d’agencements locaux, de micro-pouvoirs religieux, de dynamiques tribales recomposées et d’un usage asymétrique de la terreur.
Dans cette nouvelle phase, les Talibans ne sont pas des fondamentalistes archaïques, mais des acteurs du XXIe siècle : ils articulent des ressources idéologiques anciennes avec une rationalité stratégique post-westphalienne. Leur pouvoir ne repose pas sur une administration étatique classique, mais sur une gouvernance de dispersion : ils opèrent par délégation territoriale, accords discrets, contournement institutionnel et économie parallèle. Ce que James C. Scott appelait “l’art de ne pas être gouverné” devient ici l’art de gouverner sans gouvernement【Scott, 2009】.
Le champ politique afghan ne peut donc être saisi ni par le prisme du terrorisme pur, ni par celui du néo-patrimonialisme classique. Il s’agit d’un éco-système de cohabitations conflictuelles, dans lequel se croisent autorités islamiques décentralisées, chefferies douanières, réseaux de contrebande, ingénieries du silence diplomatique, et aspirations éparses à la souveraineté morale.
Contrairement à l’idée reçue d’un pouvoir centralisé depuis Kandahar, le régime taliban s’apparente à une constellation de centres autonomes – un patchwork d’acteurs loyaux mais rivaux, dont l’unité repose moins sur un programme qu’un équilibre mouvant de rapports de force, de secrets partagés et de pactes implicites. On assiste à l’émergence d’un autoritarisme d’archipel, où chaque province constitue une enclave semi-souveraine, régie par un commandant, une tribu dominante et une interprétation locale de la sharia.
Cette configuration a pour effet paradoxal de stabiliser l’instabilité : en absence d’État formel, la domination se reconfigure par des formes multiples de discipline sociale, de répression symbolique et de mise en ordre par la peur. Comme l’a montré Achille Mbembe, « l’autorité postcoloniale n’existe que par sa capacité à désorganiser l’architecture du visible »【Mbembe, 2001】. Ainsi, les Talibans ne revendiquent pas un monopole de la violence, mais une capacité à la laisser circuler de manière dirigée, selon des paramètres d’allégeance, de pactisation et de mise en scène sacrificielle.
La force de cette domination ne réside pas dans sa brutalité – bien qu’elle soit omniprésente – mais dans sa faculté à produire de la normalité à partir de l’anormalité. L’oppression devient un quotidien, l’exclusion un langage du pouvoir, la terreur une grammaire de la coexistence.
Ce pouvoir ne gouverne pas seulement les corps, mais les imaginaires : il redéfinit ce qu’il est permis d’espérer. Par là, le régime taliban n’est pas seulement une dictature islamique : il est un projet d’extinction graduelle de l’alternative, un mécanisme de capture du possible.
II. Cartographie du conflit jihadiste : entre transnationalisation de la vengeance et territorialisation de la terreur
Le paysage jihadiste afghan contemporain est loin d’être unifié. Il est traversé par des clivages idéologiques, des fractures générationnelles et des luttes de légitimité symbolique. La guerre entre les Talibans et l’État Islamique au Khorassan (EIK) ne peut être réduite à une querelle de leadership. Elle traduit deux visions irréconciliables de l’islam politique en contexte post-étatique : l’une est enracinée, territorialisée, composite ; l’autre est transnationale, universaliste, absolutiste.
L’EIK ne se contente pas de combattre militairement les Talibans ; il cherche à les délégitimer sur le plan théologique. En les accusant d’ethnocentrisme pachtoun et de compromission diplomatique (notamment avec l’Iran ou le Qatar), l’EIK se positionne comme le seul porteur d’un jihad authentique, débarrassé des contingences culturelles. Cette dynamique correspond à ce que Gilles Kepel qualifie de “djihad de rupture”, où l’universalisme idéologique sert à désancrer les fidélités locales【Kepel, 2016】.
Loin d’être un bloc homogène, l’EIK adopte une stratégie d’hybridation opérationnelle : dans le nord du pays, il recrute des jeunes Tadjiks, Ouzbeks, voire des Hazaras sunnites, en exploitant leur ressentiment historique envers la domination pachtoune. Ce processus, inspiré de la stratégie territoriale de Daech en Syrie, illustre une volonté de glocalisation de la terreur, où l’idéologie globale est ancrée dans des traumatismes locaux. L’ennemi devient moins une force étrangère qu’un voisin idéologiquement converti.
En retour, les Talibans se trouvent dans un paradoxe stratégique : ils sont simultanément tentés par la reconnaissance internationale et par la nécessité de rester les garants d’un ordre religieux interne. Cela les conduit à adopter une double posture : afficher une modération stratégique (tolérance relative envers certaines minorités, gestion diplomatique de l’image) tout en tolérant ou orchestrant des formes de répression sévère à l’échelle locale.
Le clivage entre ces deux visions ne repose pas seulement sur l’usage de la violence, mais sur sa mise en sens. Pour les Talibans, la violence est instrumentale, pragmatique, territorialisée. Pour l’EIK, elle est ontologique, purificatrice, eschatologique. Tandis que les Talibans cherchent à gouverner, l’EIK veut purifier ; tandis que les premiers manipulent les allégeances tribales, les seconds rêvent d’un monde sans médiation, où seule subsiste l’obéissance doctrinale.
Ce conflit dépasse donc le cadre afghan : il reflète la mutation contemporaine du jihadisme global, tiraillé entre enracinement identitaire et désir d’abstraction idéologique. Il serait erroné de croire que l’EIK est plus moderne que les Talibans. En réalité, les deux incarnent des formes différentes de modernité politique : l’un techno-messianique, l’autre néo-traditionaliste.
La rivalité qui les oppose est aussi une rivalité de futur. Les Talibans promettent un ordre, même brutal. L’EIK promet un chaos sanctifié. Dans un pays exsangue, où l’histoire a été confisquée et l’avenir suspendu, ces deux visions se disputent le droit d’imposer le sens de la fin.
III. Minorités sacrifiées et économie morale de l’effacement : le retour d’un apartheid rituel
Sous la surface rugueuse du pouvoir taliban s’active une logique silencieuse mais implacable : celle de l’effacement méthodique des minorités, ethniques, religieuses ou de genre, au sein d’un ordre qui ne se dit jamais totalitaire mais agit comme tel. Ce que nous observons depuis 2021, notamment envers les Hazaras, les femmes et les communautés non sunnites, relève non d’un simple retour à la tradition, mais d’un apartheid rituel, terme forgé ici pour désigner une forme de ségrégation sanctuarisée, justifiée par un discours sacralisant la hiérarchie sociale et l’invisibilisation des corps dissonants.
Les Hazaras, en tant que chiites et non-pachtouns, forment depuis plus d’un siècle la figure repoussoir par excellence dans l’imaginaire de la domination afghane. L’histoire du pays est traversée par leur marginalisation, depuis les campagnes d’extermination de l’émir Abdur Rahman Khan au XIXe siècle jusqu’aux massacres commis par les Talibans en 1998 à Mazar-e-Sharif. Aujourd’hui encore, ils subissent attentats ciblés, interdictions d’accès à l’éducation, déplacements forcés, et stigmatisation diffuse dans les discours des mollahs conservateurs.
Mais la singularité du moment actuel réside dans le caractère ritualisé de la violence. Chaque effacement est légitimé par une codification religieuse : les femmes sont exclues de l’espace public non pas pour des raisons strictement politiques, mais parce que leur visibilité est présentée comme une transgression théologique. L’éducation devient une hérésie, le travail une provocation, la parole une souillure. L’ordre moral repose sur une hiérarchisation ontologique : il ne s’agit pas seulement d’interdire, mais de disqualifier l’existence.
Ce processus est renforcé par ce que Didier Fassin nomme l’économie morale de l’inégalité【Fassin, 2018】 : la souffrance des minorités est non seulement tolérée, mais considérée comme juste. Elle est réinterprétée comme un châtiment divin, un retour à l’ordre naturel des choses. L’inégalité devient un impératif spirituel, et non une injustice à corriger.
Dans les provinces comme Daikundi, Bamiyan ou Ghazni, les rapports de terrain de l’UNAMA et de Human Rights Watch montrent des cas multiples de spoliation de terres, de disparitions forcées, de blocages de l’aide humanitaire, ciblant exclusivement les Hazaras. Il ne s’agit pas ici d’un génocide au sens strict, mais d’un érosion systématique de l’appartenance, une tentative de démolition lente de la mémoire collective et de l’existence communautaire.
Les femmes, quant à elles, ne sont plus seulement exclues : elles sont effacées. Le voile intégral n’est pas qu’un instrument de pudeur, mais une technologie politique de dissolution. On ne débat plus de leurs droits, car leur subjectivité est dissoute dans un projet d’uniformisation du visible. L’ordre taliban n’interdit pas explicitement l’humanité des femmes : il la déprogramme.
Ce régime d’exclusion différenciée ne repose pas sur une violence spectaculaire, mais sur une bureaucratie de l’invisibilité. Chaque décret, chaque fermeture d’école, chaque disparition administrative, chaque humiliation publique construit patiemment un monde où certains n’existent plus que comme perturbation morale.
Ainsi, l’État taliban fonctionne moins comme un appareil coercitif classique que comme un dispositif d’amnésie sociale : il réécrit la cartographie des présences, redéfinit les seuils de visibilité, et impose une verticalité sacrée au détriment du pluralisme existentiel. Dans cette matrice, la minorité devient l’hérésie incarnée.
IV. Fragmentations internes et géo-architecture du pouvoir : entre diplomatie clandestine et féodalité militaire
L’un des paradoxes les plus fascinants du régime taliban actuel est son apparente cohésion extérieure — visage unique face à l’ONU, au Qatar ou à la Chine — et sa fragmentation interne, quasi-féodale, qui rend l’autorité centrale aussi symbolique qu’improvisée. Cette contradiction entre unité projetée et dislocation réelle n’est pas une faiblesse accidentelle, mais une technologie du contrôle différencié, dans laquelle l’illusion de centralité sert à masquer l’économie réelle du pouvoir.
Contrairement à l’État westphalien, où le territoire est l’expression d’une souveraineté unifiée, le régime taliban repose sur ce que l’on peut appeler une géo-architecture segmentaire : chaque zone est contrôlée par un commandement autonome, avec sa propre chaîne de fidélité, ses arrangements locaux, ses ressources économiques (douanes, taxation informelle, contrebande), et ses interprétations de la loi islamique. Ce morcellement n’est pas une pathologie administrative, mais un système fonctionnel de régulation du désordre.
À Kandahar, le pouvoir religieux est concentré autour du mollah Hibatullah et du Conseil des Oulémas. À Kaboul, le réseau Haqqani détient l’appareil sécuritaire, les prisons, les renseignements, et mène une diplomatie souterraine avec les chancelleries. À Herat ou dans les provinces du nord, d’anciens chefs de guerre ont été réintégrés de manière informelle, garantissant une stabilité locale au prix de la suspension du droit central.
Ce système rappelle la logique impériale fragmentée décrite par Charles Tilly【Tilly, 1990】 : l’État y est moins un appareil normatif qu’un négociateur de loyautés. Les Talibans ne dirigent pas un gouvernement, ils arbitrent une coalition mouvante d’intérêts, de tribus et de fiefs religieux. Ce que Thomas Ruttig appelle une “néo-confédération islamique” prend ici tout son sens【Ruttig, 2022】.
Les rivalités internes ne sont pas seulement ethniques ou tribales — bien qu’elles le soient aussi — mais géo-stratégiques. La concurrence entre le clan de Kandahar et le réseau Haqqani n’est pas qu’un clivage d’héritage : elle concerne la maîtrise des flux (armes, argent, diplomatie, doctrine). Là où Kandahar incarne une verticalité traditionaliste enracinée, Haqqani représente une forme de modernité tactique, ouverte à la géopolitique régionale et à la gouvernance invisible.
Cette opposition crée des tensions profondes sur des enjeux clés : négociation avec les ONG, gestion des revenus douaniers, relations avec le Pakistan, contrôle de l’appareil répressif. Les luttes internes se jouent autant dans les chancelleries que dans les mosquées, autant dans les prisons que dans les douanes.
Par ailleurs, les Talibans ne sont pas seuls dans ce théâtre polycentrique. Des acteurs parallèles — groupes d’insurgés autonomes, anciens commandants de la résistance, réseaux d’économie criminelle — gravitent autour du pouvoir, négocient leur tolérance, ou menacent son équilibre. Il en résulte une gouvernance par cohabitation conflictuelle, où la paix est toujours conditionnelle, réversible, et territorialisée.
En ce sens, parler de “prise du pouvoir par les Talibans” est un abus de langage. Il faudrait plutôt évoquer une capture simultanée d’espaces multiples par des acteurs partageant une légitimité commune, mais poursuivant des rationalités divergentes. Le régime n’est pas unifié — il est équilibré par ses divisions.
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V. Horizons brisés et avenir confisqué : vers une théorie afghane de l’impossible souveraineté
L’Afghanistan contemporain incarne moins une tragédie nationale qu’une interrogation radicale sur les fondements de la souveraineté moderne. Depuis plus de quatre décennies, chaque régime — qu’il soit monarchique, communiste, jihadiste, républicain ou théocratique — a échoué à fonder un ordre stable, partagé, et reconnu. L’État y apparaît comme une figure sans corps, un fantôme récurrent, capable de capturer le pouvoir mais jamais de le traduire en pacte social.
Ce que révèle la trajectoire afghane, c’est la possibilité d’un non-État durable, c’est-à-dire d’un espace géopolitique structuré par des régimes de domination sans contrat. À l’inverse des États faillis, où le chaos est subi, l’Afghanistan est gouverné — mais sans légitimation réciproque. L’autorité y est verticale, mais jamais circulaire. Elle s’exerce, mais ne se partage pas. Elle discipline, mais ne transforme pas.
La notion de souveraineté y est fragmentée en trois dimensions contradictoires :
1. Souveraineté idéologique : revendiquée par les Talibans comme autorité religieuse suprême, mais sans reconnaissance universelle des oulémas extérieurs.
2. Souveraineté territoriale : affichée par la maîtrise du terrain, mais contredite par l’absence de frontière fonctionnelle, de monopole douanier et de contrôle migratoire.
3. Souveraineté populaire : totalement absente, puisque le peuple n’est ni consulté, ni représenté, ni projeté dans l’avenir.
Ce triple déficit produit une souveraineté empêchée, un état où le pouvoir ne parvient ni à se légitimer vers l’extérieur, ni à se contractualiser à l’intérieur. L’Afghanistan devient ainsi un espace suspendu, dans lequel les régimes passent, les armées se succèdent, les constitutions se réécrivent — mais où le citoyen n’advient jamais.
La tragédie afghane n’est pas seulement politique ou militaire ; elle est ontologique. Elle interroge la possibilité même de l’émergence d’un sujet collectif souverain. Tant que le pouvoir sera capturé par des entités qui gouvernent sans inclure, le pays restera prisonnier d’un cycle de domination sans institution, de violence sans transcendance, de gouvernement sans nation.
Et pourtant, sous la surface, des germes d’alternatives subsistent. Des écoles clandestines continuent à instruire des filles. Des journalistes en exil documentent les abus. Des jeunes diplômés, dans Kaboul ou Herat, imaginent une autre langue politique. C’est dans ces interstices, ces marges, ces fissures du réel que pourrait naître une souveraineté neuve — ni importée, ni imposée — mais tissée à même le sol afghan.
Pour cela, il ne faudra pas seulement reconstruire un État. Il faudra réinventer la croyance dans l’avenir commun, bâtir une mémoire non tributaire de la guerre, et proposer une grammaire du pouvoir qui ne repose pas sur l’effacement, mais sur la coexistence.
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Conclusion générale
Ce texte aura tenté de déconstruire les lectures simplistes du régime taliban et de proposer un cadre théorique original pour comprendre l’Afghanistan post-2021. Plutôt que de parler d’échec ou de radicalisme, il faut penser en termes de configuration hybride, de gouvernance par fragmentation, et de violence légitimée par l’invisibilisation.
L’Afghanistan n’est ni une anomalie ni un vestige. Il est un laboratoire brutal de ce que deviennent les formes politiques quand elles se déterritorialisent, se tribalisent et se sacralisent. À ce titre, il ne concerne pas seulement les Afghans, mais le destin global des formes de souveraineté à l’âge post-impérial.
Bibliographie
• Fassin, Didier. La vie: mode d’emploi critique. Paris : Seuil, 2018.
• Kepel, Gilles. Terreur dans l’Hexagone : Genèse du djihad français. Paris : Gallimard, 2016.
• Mbembe, Achille. De la postcolonie : Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine. Paris : Karthala, 2001.
• Ruttig, Thomas. “Fragmentation and Consolidation in the Taliban Movement.” Afghanistan Analysts Network (AAN), 2022.
• Roy, Olivier. Jihad et mort. Paris : Seuil, 2016.
• Scott, James C. The Art of Not Being Governed: An Anarchist History of Upland Southeast Asia. New Haven : Yale University Press, 2009.
• Tilly, Charles. Coercion, Capital, and European States, AD 990–1992. Oxford : Blackwell, 1990.
• UNAMA. Annual Reports on the Protection of Civilians in Armed Conflict, 2021–2023.
• Human Rights Watch. Afghanistan: Death in Slow Motion, 2022.
• Amnesty International. Afghanistan 2023: The State of the World’s Human Rights, Londres, 2023.
• Afghanistan Analysts Network (AAN). Economic Survival under Taliban Rule, 2023.
• International Crisis Group. Taliban Rule in Afghanistan: A Year in Review, 2022.
• UNODC. Afghanistan Opium Survey 2023. Vienne : Office des Nations unies contre la drogue et le crime, 2023.
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